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Martin Lings / Abu Bakr Siraj ad-Din.

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Quelle est la signification spirituelle de la civilisation ?*

[* Martin Lings, « Retour à l'Esprit », Éditions Tasnîm 2010 (ouvrage posthume), chapitre 5 : Signification spirituelle de la Civilisation.]

Mon travail au Département des Manuscrits et des Livres imprimés orientaux au British Museum m'a souvent mis en contact avec les institutions islamiques de Londres, d'autant plus que j'étais moi-même l'arabisant du Musée en charge des manuscrits et livres arabes (1). C'est ainsi que j'en vins à bien connaître le directeur du Centre Culturel Islamique (2), qui m'envoya un jour une missive me déclarant qu'il venait juste de recevoir une demande d'Égypte de choisir un Musulman anglais pour représenter l'Angleterre à un congrès islamique mondial qui était organisé par l'Université Al-Azhar du Caire. Il ajouta : « Ne pouvez-vous pas obtenir la permission du British Museum d'assister à ce congrès dont tous les frais seront payés ? » Ma première réaction fut de répondre par la négative, étant donné mon aversion pour les congrès, c'est-à-dire l'aversion pour l'obligation d'être assis et d'écouter un exposé après l'autre, la plupart d'entre eux étant selon toute vraisemblance sans intérêt. Qui plus est, et par-dessus tout, comme on peut à mon avis le déduire des chapitres précédents de ce livre, je ne suis pas le genre de personne qualifiée pour « représenter l'Angleterre », car je suis délibérément « hors du contact » des gens. Je savais que des journalistes viendraient me demander combien de Musulmans vivaient en Angleterre, et combien parmi ceux-ci étaient des convertis récents ; j'ignore la réponse et je ne désire point la connaître. Au point de vue social, je souhaite qu'on me laisse seul afin que je puis mener une vie calme, et je me suis toujours mis un point d'honneur à vivre si possible dans un endroit « à l'écart » afin de préserver mon intimité contre toute invasion.

(1) Ce Département a depuis lors été transféré à la British Library.
(2) Ce Centre, passablement agrandi, est maintenant situé dans la Mosquée du Regent's Park.

D'autre part, pour avoir été plus de douze ans professeur de littérature anglaise (surtout celle de Shakespeare) à l'Université du Caire, j'avais l'habitude de visiter les tombes des grands saints enterrés dans les anciens quartiers de la ville, et je suis toujours heureux de les revisiter. En outre, Le Caire compte sans doute davantage de mosquées d'une exquise beauté, petites ou grandes, que toute autre ville au monde. Je savais également que la Bibliothèque Nationale d'Égypte abrite une collection insurpassable de manuscrits du Coran merveilleusement enluminés, collection qui, à ma connaissance, n'est égalée que par une ou deux autres à Istanbul et en Iran. Qui plus est, le directeur de mon département au British Museum m'encourageait à y aller, et obtint pour moi la permission d'accepter l'invitation, ce que je finis par faire.

Le congrès était divisé en deux groupes, à savoir les représentants des pays islamiques du Proche- et du Moyen-Orient, et les représentants des communautés islamiques d'autres pays qui n'avaient pas spécifiquement le statut islamique. Il y avait deux sessions par jour, et environ six orateurs étaient inscrits ; du temps était réservé après chaque exposé pour un échange de questions et réponses. Nous nous retrouvions tous pour le repas, excepté pour le petit-déjeuner que nous prenions chacun dans les différents hôtels où nous logions. Le congrès lui-même se tenait dans un bâtiment spacieux au bord de la rive orientale du Nil. Où que nous allions, nous avions sous les yeux des écriteaux où figuraient, en très gros caractères arabes, les mots Marhaban bi l-tatawwur – c'est-à-dire « Bienvenue au développement » – . De toute évidence, les organisateurs du congrès voulaient à tout prix montrer qu'ils étaient « à la page ».

C'est un homme âgé venu du Soudan qui donna l'une des premières conférences, basée sur une sentence bien connue du Prophète, laquelle, comme le prétendait l'orateur, n'avait jamais été correctement comprise : « L'Islam a commencé étranger et il finira étranger. ». Les premiers mots sont clairement une allusion au problèmes que connut le Prophète en cherchant à imposer aux habitants de l'Arabie, polythéiste à l'époque, l'idée étrangère du monothéisme. Mais l'orateur soutenait que la seconde partie de la sentence avait été mal interprétée jusqu'à ce jour, et qu'il était venu nous en donner la vraie signification, qui était que l'Islam finirait par se répandre dans toutes les parties du monde restées jusque là étrangères au message coranique. En d'autres termes, que l'Islam finirait comme étranger par le fait d'être adopté par des étrangers ; et ses propos contenaient des insinuations qui laissaient entendre que la plupart de ceux qui se trouvaient dans la salle de conférence ne concouraient pas suffisamment à la réalisation de cette vérité.

Quand vint le temps réservé aux questions, je me hasardai à mettre en doute la légitimité d'interpréter une sentence du Prophète sans prendre en considération d'autres de ses sentences ayant trait à un sujet similaire, en l'occurrence l'avenir spirituel du monde. Je relevai que le Prophète ne croyait pas en ce que le monde moderne appelle « progrès », et je citai plusieurs de ses sentences bien connues, telle que les suivantes : « Nulle époque ne viendra qui ne sera suivit d'une pire encore » et « les meilleurs des hommes sont ceux de ma génération, puis ceux qui les suivent, puis ceux qui suivent ces derniers. » Lorsque j'eus terminé, j'entendis de toutes parts des réactions favorables à mon intervention, puis l'un ou l'autre vint me remercier chaleureusement d'avoir dit ce que j'avais dit.

Plus tard dans la semaine, on avait réservé un après-midi pour ceux qui souhaitaient éventuellement se déplacer hors du Caire afin de voir certains exemples de « développement » modernes dans quelques-unes des régions voisines. La chose ne semblait nullement intéressante, et plus de la moitié des membres du congrès déclinèrent l'invitation. Aucune conférence n'avait été prévue pour cet après-midi-là, et à ma grande surprise l'un des organisateurs vint me trouver, et me dit qu'on l'avait chargé de me demander si j'accepterais de faire un exposé. Je répondis que j'allais y réfléchir, et que je lui donnerais ma réponse le lendemain. Je n'avais rien préparé, mais je sentais que les mots « Bienvenue au développement » nécessitaient quelques commentaires, et c'est ainsi que j'en vins à donner une communication en arabe dont voici la traduction.


***

Durant cette conférence, nous avons entendu à plusieurs reprises les mots « développement » (tatawwur), « progrès » (taqaddum), « renouvellement » (tajdîd) et « renaissance » (nahda), et sans doute n'est-ce pas une perte de temps de marquer une pause et d'examiner ce qu'ils signifient. « Développement » veut dire s'éloigner des principes, et bien qu'il soit nécessaire de s'éloigner d'un certaine distance des principes pour en faire des applications, il est d'une importance vitale de rester suffisamment près pour que le contact avec eux soit pleinement efficace. Le développement ne doit par conséquent jamais aller au-delà d'un certain point. Nos ancêtre étaient particulièrement conscients que ce point périlleux avait été atteint en Islam il y a des siècles ; et pour nous qui sommes bien plus éloignés dans le temps qu'ils ne le furent de la communauté idéale du Prophète et des Compagnons, le danger est d'autant plus grand. Comment nous permettre de ne pas être sur nos gardes ? Comment nous permettre de ne pas vivre dans la crainte d'augmenter la distance qui nous sépare des principes jusqu'au point où le développement se mue en dégénérescence ? Et en effet, on peut à bon droit se demander si la plupart des choses que l'on assimile fièrement aujourd'hui à du développement ne sont pas en fait de la dégénérescence.

Quant au terme « progrès », toute personne devrait espérer progresser, et c'est là le sens de notre prière guide-nous sur la voie de la transcendance. On pourrait employer le terme « développement » dans le même sens positif quand il s'agit d'individus. Mais les communautés ne progressent point ; si elles le firent, quelle communauté était la mieux qualifiée à progresser que la première communauté islamique dans tout l'élan de sa jeunesse ? Or le Prophète a dit : « Les meilleurs des hommes sont ceux de ma génération, puis ceux qui les suivent, puis ceux qui suivent ces derniers. » Et il nous faut conclure du Coran qu'avec le passage des siècles un durcissement général des cœurs est inévitable, car il dit à propos des gens d'une communauté que ceux-ci avaient vu passer le temps avec langueur [et que] leurs cœurs s'étaient endurcis (Coran : 57, 16) ; cette même vérité ressort également de ce que le Coran dit à propos des élus, à savoir qu'ils seront très nombreux parmi les premières générations et peu nombreux parmi les dernières (Coran : 56, 13-14). L'espérance des communautés doit donc résider, non dans le « progrès » ou le « développement », mais dans le « renouvellement », c'est-à-dire la restauration. Le terme « renouvellement » a été employé jusqu'ici, au cours de ce congrès, surtout comme un synonyme plutôt vague de « développement », mais dans son sens traditionnel, apostolique (3), le renouvellement est le contraire de développement, car il signifie la restauration d'un élément de la vigueur primordiale de l'Islam. Le renouvellement est donc, pour les Musulmans, un mouvement de retour, c'est-à-dire un mouvement vers l'arrière et non vers l'avant.

(3) Le Prophète a dit : « Dieu enverra à cette Communauté au début de chaque siècle, quelqu'un qui renouvellera sa religion. » (Abû Hurayra)

Quant au terme « renaissance », on pourrait en soi l'employer dans le même sens que « renouvellement », mais il comporte des associations d'idées très fâcheuses, car le mouvement qu'on appelle la Renaissance européenne ne fut rien d'autre, si nous l'examinons soigneusement, qu'un renouvellement du paganisme de l'ancienne Grèce et de Rome ; et cette même « Renaissance » marque la fin de la civilisation chrétienne traditionnelle, et le début de cette civilisation moderne et matérialiste. La « renaissance » dont on dit maintenant qu'elle s'établit dans les États arabes est-elles différente de celle-là, ou est-elle du même genre.

Il n'y a pas un seul d'entre nous, qu'il soit arabe ou non-arabe, qui ne se réjouisse point de l'indépendance des États arabes et des pays islamiques en général, et il était à espérer que cette indépendance apporterait un retour à la noble civilisation de l'Islam. Mais que voyons-nous ? Nous voyons que, sans la moindre discrimination, les portes sont toutes grades ouvertes à tout ce qui vient d'Europe et d'Amérique. Il n'est pas hors de propos de rappeler ici que pour nous – et il doit en être de même pour toute vraie religion, d'une façon implicite ou explicite – toute possibilité terrestre tombe dans une des cinq catégories suivantes : celle de l'obligatoire (fard), du fortement recommandé (mandub), du licite (mubah), du fortement déconseillé (makruh) et de l'illicite (haram). C'est contre la deuxième et la quatrième de ces catégories qu'un mouvement subversif dirigera ses forces, au début en tout cas, car elles sont moins absolues que la première et la cinquième, et il est dès lors plus facile de briser leur résistance. Et il faut noter que les termes mandûb (fortement recommandé) et makrûh (fortement déconseillé) ont changé de signification. C'est ainsi qu'aux yeux des champions de cette « renaissance » dont nous sommes maintenant supposé jouir, ce qui est « fortement déconseillé » est tout ce qui reste de la civilisation islamique en matière de Sunna (4), comme porter le turban et ne pas se raser la barbe, alors que ce qui est « fortement recommandé » est tout ce qui vient de l'Occident. Il se peut bien que très peu aillent réellement jusqu'à dire que telle chose ou telle autre est déconseillée parce qu'elle appartient à la civilisation de nos pieux ancêtres, ou que telle chose ou telle autre est recommandée parce qu'elle vient de l'Occident. Mais à en juger par les faits, on pourrait s'imaginer que de tels mots sont sur toutes les langues, telles pensées dans tous les esprits. Et quel en est le résultat ? C'est que la génération montante est plus ignorante des pratiques de l'Envoyé de Dieu, et plus coupées de ces pratiques que toute autre génération venue à l'existence depuis l'aube de l'Islam. Comment pourrions-nous dès lors augurer favorablement de la situation présente ? Et comment ne reculerions-nous pas devant le mot « renaissance » comme devant un mauvais présage ?

(4) Sunan (singulier Sunna), c'est-à-dire les coutumes du Prophète.

Tout ceci avait été prévu par le Prophète. Il déclara: « Vous suivrez les voies de ceux qui vous ont précédés (5) empan après empan, et coudée après coudée, jusqu'à les accompagner s'ils descendent dans le repaire d'un reptile venimeux. » Cette descente est en train de se produire, et on l'appelle développement et progrès.

(5) Les Juifs et les Chrétiens.

Plus d'un délégué a mentionné durant ce congrès que l'Islam embrasse la totalité de la vie, ce que nul ne met en doute. Mais ce qui se passe en fait aujourd'hui dans plusieurs, sinon dans la plupart, des pays islamiques, c'est que la vie embrasse l'Islam – mais « embrasse » n'est pas le terme exact, car c'est d'une mainmise qu'il s'agit plutôt que d'un embrassement ! La vit bannit la religion en la reléguant dans un petit coin, et en l'étoffant de plus en plus au point qu'elle puisse à peine respirer.

Et quel est le Remède ?

En guise de réponse à cette question, rappelons-nous certains aspects extérieurs de notre civilisation – j'entend la civilisation islamique – aspect dont la fonction était, et peut être à nouveau, de jouer le rôle de coquille protectrice pour le noyau, c'est-à-dire pour la religion elle-même. L'étoffe de notre civilisation est tissée de l'exemple donné par notre Prophète ; et particulièrement significatif à cet égard est le fait que sa maison était un prolongement de sa mosquée. C'est ainsi que pour douze cents ans – et davantage dans maints pays islamiques – les maisons de son peuple furent les prolongements des mosquées. Le Musulman enlevait ses chaussures quand il entrait dans sa maison, tout comme il les enlevait quand il entrait dans la mosquée ; il s'asseyait dans sa maison de la même manière qu'il s'asseyait dans la mosquée ; et il décorait ses murs d'ornements pareils à ceux qu'il voyait aux murs de la mosquée ; et il n'aurait pas davantage placé dans sa maison des ornements non conformes à une mosquée. Il était donc constamment entouré de rappels de la dignité et des responsabilités spirituelles de l'homme, et il se revêtait selon les mêmes principes. Ses vêtements correspondaient à la dignité de la fonction de l'homme en tant que représentant de Dieu sur terre ; ils lui permettaient en même temps de faire aisément les ablutions, et ils étaient en parfaite conformité avec les mouvements de la prière. Qui plus est, ils étaient un ornement pour cette prière, à la différence des habits européens modernes qui privent les mouvements de la prière de toute leur beauté et les gênent, tout comme ils font fonction de barrière entre le corps et les ablutions.

Tout ce que j'ai mentionné est extérieur, mais les actes extérieurs influent sur l'intérieur, et les vêtements d'un homme, de même que sa maison, sont les choses les plus proches de son âme, et leur influence sur celle-ci est continuelle, et par conséquent d'une puissance incalculable. Il ne peut faire de doute que ces objets extérieurs furent l'un des secrets de la profondeur de la piété chez les Musulmans durant douze cents ans ; et cela nous ramène à la parole que l'Islam embrasse la totalité de la vie. Grâce aux aspects extérieurs de la civilisation islamique, la totalité de la vie était en fait pénétrée par la religion, et je ne vois pas d'autre remède à notre présente crise religieuse qu'un retour à cette noble civilisation dont la fonction est de créer un cadre digne de l'esprit de la religion, un cadre qui rend relativement facile l'accomplissement de nos obligations rituelles. Or la communauté ne peut pas non plus se dispenser de l'aide de tout ce qui facilite la vie spirituelle, car l'homme a été créé faible. Mais ce retour ne peut être réalisé que par la mise en œuvre d'exemple à grande échelle.

Arabes, vous êtes dans la maison de l'Islam (6), et après votre indépendance vous êtes libres d'y faire ce que vous voulez ; nous vous regardons du dehors de cette demeure, et nous plaçons nos espoir en vous. Ne nous décevez pas. 

(6) Dâr-al-Islâm : à rigoureusement parler, terme désignant la partie du monde dépendant de la loi islamique, mais employé ici assez librement afin d'inclure tout État officiellement islamique. [Note de l'Editeur]

***

Tous les exposés auxquels j'avais assisté jusque là avaient été poliment applaudis à divers degrés d'enthousiasme. Mais quand j'eus terminé le mien, un silence de mort se fit, et je vis quelques-uns dans le public en train de pleurer. Ensuite l'homme qui avait été désigné comme le dirigeant du groupe des invités non-arabes auquel j'appartenais, un homme âge à l'allure vénérable, originaire du Soudan, se leva et s'avança vers moi. Il prit ma main entre les siennes et, sans mot dire, me fit un grand sourire durant deux ou trois minutes. Puis un homme sensiblement plus jeune - il venait du sous-continent - vint me trouver et déclara : Kâna lâzim ani l-haqqu yuqâl (Il était nécessaire que la vérité fût dite). Puis un Égyptien me prit par la main en déclarant : Jâ-a mina l-qalbi fadakhala l-qulûb (C'est venu du Coeur, et cela a pénétré dans les Coeurs).

Pour en revenir une fois de plus au titre de notre chapitre, concluons notre réponse à cette question par une citation très pertinente de Frithjof Schuon : « Dans toute religion on assiste, quelques siècles après sa fondation, à une nouvelle floraison ou à une sorte de seconde jeunesse. » (7) Les « quelques siècles » dont il fait mention donnent le temps à une civilisation théocratique de se développer comme résultat du puissant rayonnement de la communauté des hommes et des femmes qui pratiquent la nouvelle religion avec dévotion. Ceci ne contredit en aucune façon la parole du Prophète : « les meilleurs des hommes sont ceux de ma génération », ni son équivalent chrétien, la parole du Christ à ses Apôtres : « A vous, il est donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux, tandis qu'à ces gens-là cela n'est pas donné » (8). Néanmoins, toute civilisation théocratique qui s'est développée comme un cadre pour chacune des grandes religions du monde est certes une merveilleuse chose, et les arts sacrés qui se sont développés en chacune d'elle comme des manifestations des différents aspects de la Beauté divine ne sont pas les moindres des miracles. Mais comme nous l'avons vu, chaque religion nécessite une protection contre une « renaissance » des ténèbres qui l'ont précédée.


(7) Trésors du Bouddhisme : chapitre « Synthèse des Pâramitâs », pages 146 ; Nataraj, 1997.

(8) Saint Matthieu : XIII, 11.

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