Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Hommage à Georges Vallin (par Jean Foucaud)
GEORGES  VALLIN, (1961-1983)

 

                   Le journal « Le Monde » a publié en 1987 (?) une page, non signée, prétendant  faire l'éloge de Georges Vallin.

     Nous qui l'avons bien connu dès 1974, sommes frappé par les partis pris universitaires qui obèrent ce petit texte (une page sur Internet). Ainsi on reproche  à Vallin son « guénonisme » ce qui est assez inexact...

  Mais reprenons par le début nos contacts directs et littéraires avec Vallin.

          Nous avions déjà repéré dès 1972 une citation de lui dans la calamiteuse introduction au « Symbolisme de la Croix » en collection de poche / 10-18, p.16 ; on présentait son ouvrage « La Perspective métaphysique »( Dervy) ,comme «  la 1ère thèse d'inspiration guénonienne ».Il y avait de quoi être intrigué, car jusqu'à cette date, l'université , lieu bien connu de la pensée libérale et en même temps des intrigues mesquines, n'avait pas réussi à admettre qu'il y ait une optique  ni philosophique ni littéraire  ni spéculative, échappant ainsi aux critères imposés à cette époque( cf ; notre article dans la revue VLT , n° 77 -1999.). Il n'y avait que la pensée athée, marxiste ou structuraliste qui avait droit de cité ; pensée confondant malhonnêtement Occultisme et Esotérisme, malgré toutes les mises au point récurrentes de Guénon !  Malheureusement, il n'y avait guère  plus d'espoir d'ouverture du côté non-athée, c'est à dire chrétien, car des gens comme Maritain, Lacombe... faisaient la loi au Vatican et à l'Institut catholique. Des savants comme JeanTrouillard (1907-1984), inconnu actuellement, meilleur spécialiste de Plotin en France, étaient considérés comme quasiment hérétiques et interdits d'enseignement (sic)  au Grand  Séminaire de la Faculté catholique d'Angers où nous fûmes un temps étudiant en Philosophie : on lui préférait M. de Gandillac qui ne lui arrivait pas à la cheville.(mais, qui, lui , fut invité au Colloque de Cerisy en 1973 ! ).Seules exceptions : le cardinal Tisserand. et l'abbé Henri Stéphane A.Gircourt)...Passons.

      Deux ans plus tard,en 1974, nous sommes germaniste stagiaire à l'Ecole Normale Nationale de Nancy; Nous nous rappelons alors qu'un certain Georges Vallin est Professeur  de Philosophie à La Faculté des Lettres où il a créé la section de « Philosophie  comparée » , ce qui lui permet de faire partager ses vastes connaissances de l'Hindouisme (qu'il doit en partie à Guénon) et du Sanscrit aux étudiants qui ne bénéficients  pas partout de ce privilège, même à Paris ! Il fait donc partie de cette nouvelle génération d'étudiants en Philo qui se mettent aux langues orientales, ayant compris que l'on ne s'assimile pas une Vision du monde sans la connaissance approfondie de la langue correspondante. Il fréquente ainsi Guy Bugault , un « sanscritisant distingué » ( me  disait son ami Jacques Roland de Renéville – frère du guénonien André  Roland de Renéville : 1912-1962) ; ce qui réduit à néant les prétentions livresques d'un Michel Onfray qui ignore tout de l'arabe, du monde arabo-islamique et du Qoran (qu'il a lu en français !....mais dans quelle traduction??). Malheureusement, Vallin manque de discernement en lisant aussi des pseudo-initiés comme Jean Klein, mais il connait Lilian Silburn que cite parfois Alain Daniélou. A une émission de France-Culture de mars 1982, il avoue que son « Maître est Olivier Lacombe »(1904-2001), mais qu'il se dit « Fils spirituel de Guénon », paradoxe  qui ne manquera pas de choquer les guénoniens au courant des prétentions de M.Lacombe (cf. lettres  de R.G. à Coomaraswamy, oct. et déc. 1935) qui, à côté des connaissances de Guénon ,est pour nous un « zéro » !

 

              C'est ainsi que nous prîmes l'annuaire de Nancy et, bien qu'inconnu du Professeur, il nous accueillit aimablement au téléphone, confirmant les jours et heures de ses cours de Sanscrit. C'était un bon début, aussi j’évoquai prudemment René Guénon, ce qui m'attira cette réponse spontanée : « Monsieur, à Nancy, nous sommes un petit groupe de guénoniens actifs et militants » ; cette phrase, 50 ans après, résonne encore telle quelle à nos oreilles ; j'appris qu'il y avait surtout un petit clan de schuoniens, sans doute disciples de Léo Schaya...

 Mais nous ne pûmes suivre tout le cursus, d'ailleurs M.Vallin enseignait le sanscrit selon la pédagogie classique du latin et du grec : il lit et traduit  un texte du Maha-Bharata, si notre mémoire est bonne , en expliquant les cas de grammaire difficiles, mais manifestement, aucun étudiant de son groupe n'est capable de lire le texte en langue originale. Nous remarquons que son charisme attire beaucoup d'étudiants qui ne sont pas forcément inscrits en Philosophie comparée.

Mais revenons au problème posé dès le début de notre exposé.

       Ce qui heurte les grands esprits qui peuplent notre Université française, c'est que l'on accorde de l'intérêt aux pensées hors de la sphère gréco-latine ; c'est notamment le cas de penseurs catholiques exclusifs comme Gustave Thibon ou Maritain qui se sont fixé comme barrière mentale le slogan suivant :  l'Europe est à la fois judéo-chrétienne et gréco-latine : nec plus ultra ! Si bien qu'ils utilisent et annexent le concept de philosophie à tout ce qui est non-européen, concept réducteur qui fausse d'emblée la compréhension que ces gens savants et intelligents pourraient avoir de l'Hindouïsme,par exemple. Lors de l'unique conférence de presse à laquelle Guénon participa, en 1924 (à l'initiative de Frédéric Lefèvre), on entendit Maritain affirmer : « On [doit] maintenir sans fléchir le dépôt héllénique, latin et catholique », à quoi Guénon répliqua : « ..dans l'Orient, il y a une sagesse profonde que l'occident ne sait pas apercevoir.. »(Chacornac, la Vie simple de René guénon, 1958,p.68). Tout rapporter à la « philosophie », terme qui ne convient qu'à la pensée grecque, est un abus de langage et une faute de sens que devraient éviter des Professeurs de Faculté au plus haut niveau.

Georges Vallin a eu le mérite d'essayer de concilier une pensée non-universitaire avec l'optique officielle de la Sorbonne ; Nous pensons qu' il a en partie échoué pour un raison que nous avons déjà exposée dans la Revue « Vers la Tradition », n°77/1999,p .70 : « d'où les difficultés d'un Georges Vallin à traiter de « métaphysique », faute de recourir aux deux notions-clés de « Tradition » et d' « Initiation »,exclues des axiomes universitaires  (voir « La Perspective métaphysique »,Dervy, 1977) ». Ainsi, selon nous, ce n'est pas tant le « guénonisme »  de Vallin qui l'a entravé mais l'ambiance spéculative de la philosophie européenne, au mental trop développ, pour reprendre le vocabulaire hindou : il est impossible d'annexer la  notion d'INITIATION dans une pensée philosophique car ce sont deux perspectives inconciliables, malgré le titre de l'ouvrage de Vallin. Dira-t-on que la Franc-Maçonnerie est une philosophie ? Autant affirmer sans rire que la Philosophie a construit des cathédrales !!

                Autre question intéressante, concernant le rayonnement de Georges Vallin, ce sont les « disciples » qui l'entouraient ;

 Nous citerons le plus important et le plus « typique », à savoir Jean BORELLA (1930-...). En tant que  licencié de philosophie, devant passer le concours national du CAPES, nous apprîmes qu'il était le président du Jury de Capes, fonction décisive quand il s'agit de devenir titulaire. Notons qu’agréger de Philosophie, Borella enseignait déjà à Nancy. Quand l'auteur de l'article paru dans le Monde en 1987(?), affirme que Vallin quitta Nancy pour Lyon à partir de 1968, il se trompe : je suivais ses cours pendant l’année 1974-75 à Nancy même.

Nous disons que Borella était un cas « typique » parce que, comme bien d'autres (Jean HANI, Bugault, Cuttat...etc), il se tourna vers F.Schuon et à la fin de sa vie, il reprocha à Guénon de n'avoir rien compris au Christianisme !! Mais eux-mêmes, qu'avaient-ils compris du Christianisme ? Il eut été plus honnête d'avouer que, faute d'initiation chrétienne (= rite de Rattachement), il leur manquait une donnée essentielle pour comprendre intérieurement leur propre Religion !  Ils en étaient restés à une connaissance livresque de l'initiation chrétienne : est-ce qu'on devient maçon parce que l'on a lu quelques livres maçonniques ? Devient-on potier après avoir lu un ouvrage savant sur la poterie ??!! Certains le prétendent comme Henri MONTAGU !

    Il n'y a plus d'INITIATION chrétienne, et c'est cela l'écueil et le drame des Chrétiens actuels qui refusent de se rendre à l'évidence ; mais qu'importe, M.Borella a dit une fois avec aplomb, lors d'une émission radiodiffusée : « mon Maître , c'est Jésus-Christ » ! Comme tout est simple pour ces grands philosophes ! Il venait d'ailleurs juste de renier son « maître » précédent, dont il faisait tant d'éloges, il y a peu : Frithjof Schuon, réduit à l'état de simple «  penseur suisse » ! On brûle ce qu'on avait adoré...

     C'est pour cela que sans situer G.Vallin parmi les penseurs de cette mentalité vraiment traditionnelle ( que Guénon nous a inculquée peu à peu et à grand peine), nous voulons saluer la mémoire d'un homme qui a eu le courage de ses convictions dans  un monde hostile et incompréhensif ; Même s' il manqua parfois de discernement, louant  Guénon  tout en admirant des gens comme Lacombe (adversaire de Guénon), de Klein, directeur d'un revue pseudo-ésotérique (« l'Etre ») inspirée par des voix anti-traditionnelles   (la vue de cette revue – chez M.Villain – mettait  cheykh Mustafa en colère  //  (en privé , il l'appelait  « marchand de soupe de l'ésotérisme »  ou  « crachoir de l'occultisme » [sic]...

                     Nous gardons de lui l'image d'un homme  affable et très accessible (en tout cas à notre égard), un homme qui avait su rester simple malgré sa grande culture, alors qu'il y a tant de prétentieux dans ce monde universitaire gangrené par l'ambition... Un seul homme, à l'époque, avait cette modestie, c'était Jacques ROLLAND de RENEVILLE (1917 – 2005) et nous ne pouvons non plus l'oublier, alors qu'il n'était pas du tout guénonien, comme il nous l'avoua tout de go !( il enseignait le Marxisme à la Fac de Lettres de Nantes dans les années 1960-65) ;

 

 

                     

                            Jean Foucaud, janvier 2024

     « requiescant in pacem », amin !

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Jean Foucaud
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :