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NOTES  de  LECTURE (Les Présocratiques)
NOTES  de  LECTURE (Les Présocratiques)

 

            Dans son remarquable QSJ n°1319 (PUF, 1968) consacré aux Présocratiques, Jean Brun nous présente un éminent philosophe de cette Ecole – et celui qui a le plus impressionné Martin Heidegger.

            Jean Brun nous dit, p. 72, qu’« [il] est célèbre pour avoir dit et proclamé que l'Etre est et que le Non-Etre n'est pas. L'Etre étant ce qui est ne peut être nié, même partiellement, si bien qu'[il] élimine tout recours au mouvement, au changement et au devenir.

            L'Etre est inengendré et impérissable, sans fin, jamais il n'était ni ne sera, puisqu'il est maintenant tout entier à la fois un et contigu à lui-même (VIII,5). Il est indivisible (VIII, 22), immobile dans les limites de liens puissants (VIII,26), immuablement fixé au même endroit (VIII,30) ; il est sans manque (VIII,34), terminé de toute part, semblable à la courbure d'une sphère bien arrondie ; à partir du centre, il est également rayonnant, car ni plus grand ni moindre, il ne saurait être ici ou là(VIII,41). Il ignore donc la dispersion et le rassemblement (IV) . Il ne peut être venu du Néant(VIII,7), il est éternel et immobile, il ignore par conséquent le temps et l'espace.

    Pour Jean Brun, il n'y a donc que 2 Voies : l'une est celle de l'Etre qui mène à la Vérité, mais  l'autre, celle du Non-Etre, est sans issue.

            Heidegger essaiera de contourner la difficulté avec des arguments et un vocabulaire qui sont hégéliens : « Grund, Ab-Grund : dasselbe »( apud « Der Grundsatz von Grund » /  le Principe de Raison ), soit : « le Principe, l'Abîme : c'est la même chose ». Sous le mot Principe, il entend en fait  l'Etre et par l'Abîme , il signifie le Néant ! On voit que Heidegger arrange les choses selon l'orientation qui doit soutenir sa pensée souvent obscure et tortueuse. Plus tard, il reprendra la formule attribuée à Aristote : « ti to 'on , », c'est à dire : « qu'est-ce que l'Etre ?», ce qui l'obligera  à  dédoubler ce «  'on » équivoque en Etre (Sein ) et étant (seiende).

Le suspense ayant assez duré, de qui parlons-nous ?

            Les extraits que nous lisons ci-dessus pourraient presque tous se retrouver dans les « Etats multiples de l'Etre » (René Guénon / 1932), qui sont le seul ouvrage de pure  Métaphysique que Guénon ait jamais écrit.

Or, ils ne sont pas de Guénon, ni d'Ibn 'Arabi  ni, évidemment , d'aucun philosophe moderne.
 Les connaisseurs auront reconnu Parménide (515-450) appelé l'Eléate, car de la cité d'Elée, sise près du domaine sacré des Jeux Olympiques.


            Mais nous avons cherché en vain la citation du nom de Parménide dans l'oeuvre et dans les lettres de Guénon (notamment celles adressées à Noëlle-Maurice-Denis-Boulet (1917 à 1923).,alors qu'il cite volontiers Pythagore, Platon, Aristote voire Plotin qu'il apprécie particulièrement. Mais pourquoi pas Parménide ? C'est d'autant plus incompréhensible que Parménide est un pur Métaphysicien développant dans ses célèbres Fragments des thèmes familiers aux guénoniens, et, à notre avis, parfaitement orthodoxes.

NB : Jean Brun (1906-1981) remarquable hélléniste et professeur de Philosophie enseigna longtemps à Dijon ; son rayonnement était tel que beaucoup d'étudiants suivaient ses cours, alors qu'ils n'étaient pas inscrits en Philosophie.

 PS Signalons que Nuccio d'Anna vient de publier un long article sur Parménide dans le dernier n° de la revue VLT (n° 166/ déc.-Févr 2022)

 

            Jean Foucaud

Tag(s) : #Jean Foucaud
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