Grande mosquée de Paris.
[T. Burckhardt, L'Art de l'Islam - Langage et signification, éd. Sindbad 1985.]
Introduction.
Si à la question « qu’est-ce que l’Islam ? » on répondait en désignant simplement un des chefs-d’œuvre de l’art islamique, comme par exemple la mosquée de Cordoue, celle d’Ibn Tûlûn au Caire, une des medersa de Samarkand ou même le Taj Mahal, cette réponse, si sommaire soit-elle, n’en serait pas moins valable, car l’art de l’Islam exprime sans équivoque la chose dont il tient le nom. Certes, ses modes d’expression varient en fonction des milieux ethniques et selon les siècles — moins d’ailleurs en ceci qu’en cela — , mais ils sont presque toujours satisfaisants aussi bien du point de vue esthétique que de celui de leur intention spirituelle : ils ne comportent pas de dissonances, ce que l’on ne saurait affirmer de tous les domaines de la culture islamique. La théologie même — nous ne parlons pas du Coran mais de la science humaine qui en découle — n’est pas à l’abri des contradictions, et tout l’ordre social, bien que rattaché à une loi en soi parfaite, consiste, dans le meilleur des cas, en une série d’approximations. A part l’ésotérisme, qui se situe sur un tout autre plan, l’art semble avoir le privilège d’être toujours conforme à l’esprit de l’Islam, au moins dans ses manifestations centrales telles que l’architecture sacrée et aussi longtemps qu’il n’est pas victime d’interférences étrangères comme celles qui sont à l’origine du baroque ottoman ou comme l’influence, beaucoup plus néfaste, de la technologie moderne qui détruit l’art islamique en détruisant sa base humaine, à savoir l’artisanat avec son héritage de métier et de sagesse.
Il n’est ni étonnant ni absurde que la manifestation la plus extérieure d’une religion ou d’une civilisation comme celle de l’Islam — et l’art est, par définition, extériorisation — reflète à sa manière ce qu’il y a de plus intérieur dans cette même civilisation. La substance de l’art, c’est la beauté; or celle-ci est — islamiquement parlant — une qualité divine et comporte comme telle un double aspect : dans le monde, elle est apparente; elle revêt, pour ainsi dire, les créatures et les choses belles. En Dieu cependant, ou en elle-même, elle est béatitude très intérieure; parmi toutes les qualités divines qui se manifestent dans le monde, elle est celle qui rappelle le plus directement le pur Être.
C’est dire que l’étude de l’art islamique, comme celle de n’importe quel autre art sacré, peut conduire, lorsqu’elle est entreprise avec une certaine ouverture d’esprit, vers une compréhension plus ou moins profonde des vérités ou réalités spirituelles qui sont à la base de tout un monde à la fois cosmique et humain. Envisagée de cette manière, l’« histoire de l’art » dépasse le plan de l’histoire pure et simple, ne serait- Introduction ce qu’en posant ces questions : d’où vient la beauté du monde dont nous venons de parler? D ’où vient son absence dans un monde qui, aujourd’hui, menace d’envahir toute la surface de la terre?
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Titus Burckhardt - L'art de l'Islam - Langage et signification
" Par Dieu, qui, il n'y a d'autre divinité que Lui, nul organe n'a besoin d'être emprisonné plus que la langue qui est déjà enfermée derrière deux obstacles ; les lèvres et les dents ! " [A...
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