(…) la « Paix » dans son sens ésotérique, est indiquée partout comme l’attribut spirituel des centres spirituels établis en ce monde (terra). D’autre part le mot arabe Sakinah, qui est de toute évidence identique au mot hébreu, se traduit par « Grande Paix », laquelle est l’équivalent exact de la Pax Profunda des Rose-Croix, et de cette façon, il serait sans doute possible d’expliquer ce que ceux-ci entendaient par le « Temple du Saint-Esprit ».
LA GUERRE ET LA PAIX *
* [Etudes Traditionnelles, 1949.]
Nous avons eu fréquemment l’occasion de constater chez des personnes qui s’attachent aux études métaphysiques et ésotériques et même chez celles qui affirment aspirer à une réalisation initiatique, la préoccupation de justifier à l’aide des doctrines traditionnelles des préférences ou des activités d’ordre politique. A plusieurs reprises, on nous a demandé notre avis sur le caractère plus ou moins traditionnel ou plus ou moins contre-initiatique de tel courant politique ou de telle puissance politique orientale ou occidentale; on nous a demandé notre avis sur le déroulement et l’issue probables des luttes qui mettent aux prises les divers états ou groupes d’états actuellement en compétition. Il est trop évident que nous n’avons pas à donner d’opinion sur des questions de ce genre, d’abord parce que nous n’en avons réellement pas, ensuite parce qu’elles ne nous regardent en aucune façon. Mais ce que nous tenons à dire, c’est que de telles préoccupations attestent chez ceux qui les nourrissent une mentalité fort éloignée d’une attitude véritablement initiatique : la seule activité proprement initiatique (et de telles préoccupations constituent bien une “activité”, même si elle n’est que mentale) ne peut être que l’acquisition, la conservation et la transmission de la Connaissance. Ce qui peut faire illusion à cet égard, c’est que des organisations qui sont pourtant dépositaires d’une authentique transmission initiatique en sont arrivées en ces derniers siècles à se laisser entraîner dans l’action politique, mais ce n’est là que le résultat d’une méconnaissance accidentelle et temporaire du but réel de l’Initiation, et la preuve en est que, parallèlement aux préoccupations auxquelles nous avons fait allusion plus haut, nous pouvons constater au sein d’une de ces organisations, un signe non équivoque d’un retour à des conceptions réellement initiatiques. En effet nous avons reçu une communication d’une Loge parisienne du Rite Ecossais Ancien et Accepté que nous trouvons fort intéressante. La question ayant été posée de savoir si la Maçonnerie devait participer à une tentative d’organisation de la paix, la L .'. en question a répondu par le texte que nous reproduisons ci-après.
“La paix, c’est-à-dire l’absence de luttes, c’est-à-dire l’harmonie, c’est-à-dire l’ordre, ne peut être réalisée pleinement que durant la période du cycle humain que les diverses traditions appellent l’âge d’or, le séjour de l’humanité dans le Paradis Terrestre. En dehors de cette période, il est vain de prétendre organiser la paix d’une façon durable car il ne peut se trouver, du fait même des conditions cosmiques auxquelles l’homme n’a pas le pouvoir de se soustraire, que des moments de luttes latentes et sourdes et des moments de luttes aiguës qui sont les guerres. Aussi le Christ lui- même n’a-t-il pas promis la paix, du moins la paix extérieure, la paix telle que le monde la donne.
“Dans la période de désordre profond où se trouve l’humanité depuis plusieurs millénaires, on s’est efforcé de restreindre le nombre des crises aiguës en les limitant à ce qu’on peut appeler la “guerre sainte” (défense d’une forme traditionnelle contre une autre forme qui prétendrait s’étendre hors de son aire géographique ou contre des “infidèles”, c’est-à-dire des groupes humains détachés de toute tradition) et à ce qu’on peut appeler la “guerre légitime” (défense d’une collectivité humaine régulière contre les appétits d’autres collectivités).
“Il est bien évident que la guerre qu’on peut entrevoir dans un avenir plus ou moins lointain ne pourrait, en dépit de certaines apparences hypocrites, être assimilée à une “guerre sainte” ni même à une “guerre légitime”. On se trouve en réalité devant plusieurs groupes humains animés de la “volonté de puissance”, attitude essentiellement luciférienne, et qui ont chacun l’ambition plus ou moins avouée d’étendre leur domination sur l’ensemble de l’humanité. Il paraît bien qu’il est désormais impossible d’empêcher durablement le conflit (ou la série de conflits) à l’issue duquel se trouvera réalisée, non par une influence spirituelle, mais par cette “volonté de puissance”, l’unification de l’humanité. Toute action en vue de retarder — ou d’avancer — l’heure de ce conflit ne peut avoir pour résultat que de servir — qu’on en soit conscient ou non — les intérêts de l’un ou l’autre des groupes en présence. Et en admettant même qu’on trouve un arrangement efficace qui permette d’éviter le conflit par un organisme de sécurité collective, cette unification de l’humanité sera tout de même réalisée en fait au profit de l’un des groupes qui réussira à s’asservir l’organisme envisagé.
“Certains peuvent se demander s’il n’est pas légitime malgré tout de favoriser tel ou tel de ces groupes humains. Du point de vue traditionnel, qui est celui où nous ne pouvons pas ne pas nous placer, nous devons répondre non. En effet, aucun des groupes en présence ne s’offre à nous comme étant légitime porteur du “sabre de la Tradition” et ayant pour objectif réel de rétablir sur la terre un ordre traditionnel hiérarchique dont occuperait le sommet une Autorité spirituelle véritable, c’est-à-dire ayant la plénitude de son dépôt. Ces groupes humains nous apparaissent tous comme des instruments de la volonté de subversion qui a organisé et qui dirige le monde moderne, antitraditionnel, dans lequel nous vivons. Et nous ne nous demandons pas, nous ne voulons pas nous demander quel est, parmi ces groupes, l’instrument d’ “élection” de cette volonté de subversion, puisque si nous “servions” celui-là, nous nous ferions les serviteurs immédiats de l’Antéchrist; si nous servions un autre, notre action serait vaine. Après le règne éphémère de l’Antéchrist auquel nous venons de faire allusion, et les nouvelles luttes — d’un caractère différent des précédents — qui le suivront immédiatement, viendra bien la Paix, avec l’aurore du nouveau cycle, mais cette paix là ne sera pas établie par les hommes.
“Les considérations qui précèdent nous paraissent valables pour tout homme d’intention droite et de bonne volonté. Pour les membres d’une organisation initiatique nous devons ajouter ceci: la raison d’être des organisations initiatiques est, d’une part, de fournir à chaque moment à leurs membres l’influence spirituelle, les rites, l’enseignement et les méthodes permettant à chacun — suivant ses qualifications — d’accéder à un degré plus ou moins élévé de réalisation spirituelle; d’autre part, d’assurer la transmission pour l’avenir de la doctrine ésotérique dont elles ont le dépôt. Toute action extérieure représente des énergies soustraites à l’accomplissement de ces buts essentiels. Dire que nous sommes des initiés signifie que nous avons la vocation de dénouer toutes les attaches corporelles et psychiques, de trancher tous les liens qui nous retiennent dans la manifestation. Alors que nous voulons sortir de ce monde, de tous les mondes, comment pourrait-on nous demander de nous mêler aux activités insensées de ce monde? Nous rappellerons à nos FF.’. les paroles que Villiers de l’Isle- Adam place dans la bouche de Maître Janus répondant à Axel, l’initié qui demande à se distraire de la Sagesse : “Ne te mens pas, coeur tenté! Un Délivré seul peut s’attarder, en effleurant la terre, sans cesser pour cela d’être aux cieux. Deviens un être de lumière, avant de braver... nos crépuscules”.
Nous avons cité ce texte intégralement parce qu’il constitue une réponse à laquelle nous souscrivons sans réserve et qu’il exprime une position qui est exactement la nôtre.
On comprendra aisément que ce point de vue n’est nullement en contradiction avec ce que M. René Guénon a écrit dans divers ouvrages et notamment dans Orient et Occident au sujet de la constitution éventuelle de l’élite et du rôle qu’elle pourrait être appelée à jouer dans l’hypothèse d’un redressement occidental avant les événements de la fin du cycle. En effet, si de telles possibilités pouvaient et devaient être envisagées dans une oeuvre qui constitue un solennel avertissement, il n’en est pas moins vrai qu’un but contingent, fût-il aussi important dans son ordre que celui-là, ne saurait jamais constituer “le But” pour chaque initié en particulier et même pour chaque organisation initiatique. Le but, ainsi qu’on ne saurait trop le redire, ne peut être que d’ordre spirituel, mais il est certain qu’en poursuivant ce but chacun ne peut manquer d’actualiser chaque jour davantage en lui l’influence spirituelle et ne peut manquer par là de modifier, sans qu’il ait à le vouloir ni à le désirer, le milieu dans lequel il se trouve. Il est possible alors que les modifications opérées dans le milieu par l’actualisation de l’influence spirituelle s’étendent jusqu’aux domaines social et politique, car ces domaines ne sont, eux-mêmes, que les reflets et les manifestations les plus extérieures de l’état du milieu cosmique en un moment donné. Et, procédant de ce qu’il y a de plus élevé, de plus intérieur, de plus central, de plus véritablement spirituel, ces modifications ne sauraient en rien faire le jeu de tel ou tel des groupes humains anti-traditionnels auxquels il est fait allusion dans le texte précité. Quant à leur effet, probablement assez limité dans le temps et dans l’espace, il consisterait sans doute à créer ou à conserver dans certains lieux “qualifiés” les conditions externes relativement favorables pour permettre la construction de l’Arche. Dans le domaine collectif comme dans le domaine individuel, seul le point de vue métaphysique permet d’échapper à l’influence de l’Adversaire puisqu’il ne peut, par définition (adversaire impliquant dualité) avoir accès à ce point de vue qui est essentiellement celui de la Non-Dualité hors de laquelle il n’est point de véritable Paix.
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PRECISIONS SUR “ LA GUERRE ET LA PAIX” *
* [Publié dans Etudes Traditionnelles 1950 ]
Dans la courte étude précédente, nous pensions avoir suffisamment précisé un point particulier de l’attitude initiatique, à savoir la position de l’initié et de l’aspirant à l’initiation devant les questions politiques de l’ordre le plus général. Un certain nombre de lecteurs nous ont dit avoir été intéressés par cette mise au point qui leur paraissait opportune et même nécessaire. Par contre, nous avons recueilli d’autres échos, d’une sorte toute différente, qui nous obligent à revenir sur cette question que nous croyions pourtant avoir traitée aussi clairement qu’il était possible en quelques pages. Nous pensions que si tous nos lecteurs n’entendaient pas adopter pour leur compte personnel l’attitude que nous préconisions, ils devaient du moins ne pouvoir garder aucun doute sur la nôtre. Nous nous étions bien trompé en cela et nous nous demandons si les malentendus qui se sont produits chez certains n’existent pas également chez d’autres qui n’ont pas jugé utile de nous faire connaître la manière dont ils avaient interprété notre article. L’idée générale exposée dans celui-ci se résume en somme à ceci : l’individu qui aspire à une réalisation spirituelle n’a pas à “prendre parti” entre les divers groupes humains qui se disputent la domination de notre monde, et ils ne pourraient le faire qu’en devenant la dupe ou le complice des influences anti-traditionnelles qui animent chacun de ces groupes. Le texte que nous avions cité et auquel nous déclarions adhérer sans réserve faisait allusion à plusieurs groupes humains animés de la “volonté de puissance”, ce qui n’avait aucun caractère limitatif, mais, comme il faisait allusion également à la guerre qu’on peut entrevoir dans un avenir plus ou moins lointain, quelques lecteurs ont pensé que ce texte visait uniquement les deux blocs de puissances qui se livrent actuellement une “guerre froide” en attendant la guerre tout court et ces mêmes lecteurs ont considéré et notre article et le texte que nous citions comme une prise de position en faveur d’une “ troisième force” internationale que des politiciens de divers pays ont songé à constituer dans le but apparent et immédiat de tenir certains états à l’écart du conflit que tous les peuples redoutent.
Nous dirons tout d’abord que nous n’avons fait aucune modification ou adjonction au texte que nous avons cité précisément parce qu’il avait un certain caractère tout à fait général et, même si nous avions pensé qu’il visait plus spécialement deux groupes de puissances — et nous savons pertinemment qu’il n’en est rien — nous aurions considéré que la chose était sans importance, attendu qu’il n’existe bien, actuellement, que deux groupes, et que nul ne sait, sans doute, si un troisième sera jamais constitué.
En ce qui nous concerne personnellement, nous n’avons aucune raison de nous intéresser à ce projet alors que rien ne nous permet de penser qu’il est inspiré par quelque chose de supérieur à des préoccupations politiques qui sont d’ailleurs peut-être légitimes dans leur ordre. S’il devait aboutir quelque jour, nous attendrions pour nous former une opinion, dans le cas fort problématique où nous éprouverions le besoin d’en avoir une, que des “signes” incontestables nous indiquent la nature des influences ayant présidé à son élaboration.
On peut nous objecter qu’une rigoureuse attitude de “ non agir” chez des initiés ou chez des aspirants à l’initiation a pour résultat pratique de laisser le champ libre aux pires influences et cette objection mérite assurément d’être prise en considération. Elle se relie, d’ailleurs, très directement, à une intention qu’on nous a prêtée à la suite du même article.
Les considérations sur l’attitude spirituelle que nous développons ici depuis plusieurs années (1) nous ont été inspirées par des questions posées depuis quinze ans par des lecteurs de cette revue* désireux de se placer dans les meilleures conditions possibles pour se mettre en mesure de recevoir l’initiation en vue d’accéder à une réalisation spirituelle. Ayant nous-même étudié depuis un quart de siècle les questions se rapportant à ce domaine, nous avons cru bon de faire part à des chercheurs, souvent de fraîche date, du résultat de nos réflexions personnelles, et ce que nous écrivons n’a pas d’autre portée, bien que nous nous efforcions de nous maintenir toujours dans les limites de la plus rigoureuse orthodoxie traditionnelle. Ce que nous voulons dire, relativement à la question de l’action, c’est très exactement cec i: chaque aspirant à l’initiation, pris en son particulier, doit concentrer tous ses efforts sur sa préparation intellectuelle, d’une part, par l’étude des textes traditionnels; sur sa préparation psychique, d’autre part, par la pratique des “vertus”. Tout le reste ne saurait être que “distractions” relativement à son but. Mais, pour atteindre ce but, nous avons indiqué assez clairement que chaque aspirant devait se rattacher d’abord à l’exotérisme d’une forme traditionnelle, ensuite solliciter son rattachement à une organisation initiatique et il est bien évident que ce double rattachement lui imposera toute une série d’obligations dans divers domaines, obligations susceptibles de varier indéfiniment de nature et de forme suivant la tradition à laquelle l’aspirant aura adhéré. Ce sont ces obligations, et notamment celles qui relèvent du domaine exotérique, qui régleront désormais l’attitude de l’individu considéré dans le domaine de l’action et, comme il s’agira d’obligations, sa volonté individuelle n’y sera pour rien. Accomplissant les obligations d’une forme traditionnelle et leur subordonnant toutes ses actions, l’individu aura conscience de ne pouvoir jamais accomplir autre chose que la Volonté du Ciel, et l’abandon de sa volonté individuelle le libérera peu à peu du jeu des actions et réactions concordantes qui enchaîne l’être dans le devenir.
(1) Cf. nos études sur les Aperçus sur l'Initiation depuis mars-avril 1946.
(*) A savoir, les Etudes Traditionnelles.
En dehors de ce qui lui est imposé par ses obligations traditionnelles des divers ordres, l’individu, aspirant à l’initiation ou initié virtuel au début de sa carrière, ne possédant par définition, ni les connaissances cosmologiques, ni une qualité fonctionnelle accompagnée de “grâces d’état”, ne saurait se permettre d’agir de sa propre initiative sans risquer d’ajouter inconsciemment au désordre et de se lier par surcroît aux puissances de subversion.
Ce qui précède permettra de comprendre à quel point est dénuée de fondement une conséquence que certains ont cru pouvoir tirer de notre précédent article. On a pensé, en effet, que nous tendions à suggérer à nos lecteurs d’adopter en cas de conflit l’attitude dite d’ “objection de conscience”. Nous devons avouer que nous n’aurions jamais pensé à une telle chose si l’on n’avait pas attiré notre attention sur ce point et la raison en est bien simple car nous avons expressément déclaré dans une autre circonstance que personne ne pouvait s’affranchir, de par sa volonté individuelle, d’aucun lien humain légitime ni de la tutelle de la législation commune. Nous ignorons tout à fait ce que les diverses autorités spirituelles peuvent penser de l’objection de conscience, mais c’est évidemment à elles seules qu’il appartiendrait de donner, le cas échéant, des précisions sur ce point particulier. Nous n’avons aucunement qualité pour donner des conseils à qui que soit sur de telles questions et nous n’avons pas davantage le goût de prendre de telles responsabilités. D’autre part, comme l’expérience nous montre qu’on ne saurait jamais prendre trop de précautions si on ne veut risquer de se voir prêter des intentions qu’on n’a jamais eues, même si une autorité spirituelle quelconque avait pris position plus ou moins ouvertement sur ce point, cela ne nous importerait que si nous dépendions personnellement de cette autorité, et en tout cas cela n’aurait aucune influence sur ce que nous écrivons ici, car nos études sont d’ordre général et s’adressent à tous ceux qui aspirent à une réalisation spirituelle, sans préjuger aucunement de la forme traditionnelle à laquelle ils appartiennent ou appartiendront.
De tout ceci nous tirerons une conclusion assez pénible: c’est qu’il est devenu presque impossible en Occident de faire admettre qu’il existe encore des gens n’ayant véritablement aucune préoccupation politique ou sociale et qui se bornent à supporter le monde dans lequel ils vivent en considérant les contraintes, les misères et les horreurs de ce monde, uniquement comme des moyens de se détacher du samsara, et on conviendra que les conditions de l’époque présente nous placent dans une position vraiment privilégiée à cet égard !
Il nous reste à répondre à une autre objection qui a été souvent formulée devant nous : s’il est légitime pour chaque aspirant à l’initiation et même pour chaque initié pris individuellement de pratiquer le “non-agir” ou plus exactement le “non-vouloir agir”, comment admettre qu’il en soit de même pour des organisations initiatiques qui sont supposées détenir et les connaissances et le pouvoir nécessaires pour agir? Nous pourrions nous borner à dire que ceux qui parlent ainsi ignorent tout à fait si les organisations initiatiques agissent ou n’agissent pas, car, dans le premier cas, cette action échapperait tout à fait non seulement à l’observation des profanes mais aussi à celle de la plupart des membres. Mais on pourrait soulever ici deux nouvelles objections, à savoir que cette action, si elle existe, ne paraît pas porter grand fruit car autrement le monde ne serait ou ne resterait pas ce que nous voyons aujourd’hui ; ensuite que des organisations initiatiques ou des branches de ces organisations se défendent de vouloir agir.
La première de ces nouvelles objections revient à dire que les organisation initiatiques ne veulent pas ou ne peuvent pas s’opposer efficacement au mouvement descendant du cycle, c’est-à- dire en dernière analyse à la Volonté divine qui a établi les lois de la manifestation. Supposons un instant que, par impossible, cette opposition soit réalisable : il faudrait, soit revenir en arrière, ce qui, à l’intérieur d’un cycle donné est absurde par définition, soit stabiliser et cristalliser le cycle en son point présent de déséquilibre, ce qui serait proprement établir l’Enfer sur terre, puisque l’Enfer est le déséquilibre et la difformité fixés et stabilisés.
Quant à la légitimité de l’attitude de non-vouloir agir pour des organisations initiatiques, elle est pleinement établie par l’attitude même du Christ. Le Christ “savait quel était celui qui allait le livrer” (saint Jean, XIII, 11) et pourtant, bien loin d’ “agir” contre celui-là, il lui fait un “don”, Il lui présente du “pain trempé” (XIII, 26), de ce pain dont il a dit “Ceci est Mon corps”, et “aussitôt que Judas l’eut pris, Satan entra en lui; et Jésus lui dit: Ce que tu fais, fais-le vite” (XIII, 27) ... Judas ayant pris le morceau de pain, se hâta de sortir. Il était nuit” (XIII, 30). S’inspirant de cette scène terrible, pourquoi, en cette “nuit” où nous sommes, une organisation initiatique ne pourrait-elle se borner à dire à tous les serviteurs du Prince de ce Monde: “ce que tu fais, fais-le vite”, puisque ce qu’ils font, c’est de préparer cette “fin d’un monde” qui, selon l’expression de René Guénon, “n’est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d’une illusion”? Pourquoi ne pourrait-elle se borner à connaître, enseigner, exprimer le “point de vue du Centre” aussi bien que le permet l’indignité des individus, et préparer ainsi, dans la patience, l’humilité et la charité, les semences de Salut et de Libération qui, par la vertu du “Centre”, seront les germes du cycle futur ?
[Jean Reyor - Pour un aboutissement de l'oeuvre de René Guénon, tome 1 (Archè Milano 1988).]
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ANNEXE :
(...) dans une lettre à Luc Benoist, à propos des partis politiques, Guénon indiqua que « si l’adhésion est en soi une chose indifférente à notre point de vue, il n’en est pas moins vrai que, dans les circonstances actuelles, il s’exerce dans tous les partis des influences qui peuvent être dangereuses, car elles touchent plus ou moins à la “contre-initiation”, qui insinue ses agents partout où elle le peut ».
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Julius Evola : " États et partis. "L'apoliteia" " - Front de la Contre-Subversion
Le domaine politico-social est celui où, par suite de l'action des processus généraux de dissolution, apparaît aujourd'hui d'une façon particulièrement manifeste l'absence de toute structure ...